Dissertations spirites.

Obtenues ou lues dans la Société par divers Médiums.

Premières impressions d'un Esprit.

(Médium, madame Costel.)

Je vous parlerai de l'étrange changement qui s'opère dans l'Esprit aussitôt après sa délivrance ; il s'évapore de la dépouille qu'il abandonne, comme une flamme se dégage du foyer qui l'a produite ; puis succède un grand trouble, et ce doute étrange : suis-je mort ou vivant ? L'absence des sensations ordinaires produites par le corps étonne, et immobilise pour ainsi dire ; ainsi qu'un homme habitué à un lourd fardeau, notre âme, allégée tout à coup, ne sait que faire de sa liberté ; puis l'espace infini, les merveilles sans nombre des astres se succédant dans un rhythme harmonieux, les Esprits empressés, flottant dans l'air, et éclatants de la lumière subtile qui semble les transpercer, le sentiment de la délivrance qui inonde tout à coup, le besoin de s'élancer aussi dans l'espace, comme des oiseaux qui veulent essayer leurs ailes, voilà les premières impressions que nous ressentons tous. Je ne puis vous révéler toutes les phases de cette existence ; j'ajoute seulement que, bientôt rassasiée de son éblouissement, l'âme avide veut s'élancer et monter plus haut, dans les régions du vrai beau, du vrai bien, et cette aspiration est le tourment des Esprits altérés de l'infini ; comme la chrysalide, ils attendent le dépouillement de leur peau ; ils sentent sourdre les ailes qui les emporteront, radieux, dans l'azur béni ; mais retenus encore par les liens du péché, il leur faut planer entre le ciel et la terre, n'appartenant ni à l'un ni à l'autre. Que sont toutes les aspirations terrestres, comparées à l'ardeur inassouvie de l'être qui a entrevu un coin de l'éternité ! Souffrez donc beaucoup pour arriver épurés parmi nous ; le Spiritisme vous aidera, car c'est une oeuvre bénie ; il relie entre eux les Esprits et les vivants, qui forment les anneaux d'une chaîne invisible, qui remonte jusqu'à Dieu.

Delphine de Girardin.


Les Orphelins.

(Méd., Mme Schmidt.)

Mes frères, aimez les orphelins ; si vous saviez combien il est triste d'être seul et abandonné, surtout dans le jeune âge ! Dieu permet qu'il y ait des orphelins pour nous engager à leur servir de pères. Quelle divine charité d'aider une pauvre petite créature délaissée, de l'empêcher de souffrir de la faim et du froid, de diriger son âme, afin qu'elle ne s'égare pas dans le vice ! Qui tend la main à l'enfant abandonné est agréable à Dieu, car il comprend et pratique sa loi. Pensez aussi que souvent l'enfant que vous secourez vous a peut-être été cher dans une autre vie ; et si vous pouviez vous souvenir, ce ne serait plus de la charité, mais un devoir. Ainsi donc, mes amis, tout être souffrant est votre frère, et a droit à votre charité ; non pas cette charité qui blesse le cœur, non cette aumône qui brûle la main dans laquelle elle tombe, car vos oboles sont souvent bien amères. Que de fois elles seraient refusées si au grenier la maladie et la faim ne les attendaient pas ! Donnez délicatement, ajoutez au bienfait le plus précieux de tous : une bonne parole, une caresse, un sourire d'ami ; évitez ce ton de pitié et de protection qui retourne le fer dans un cœur qui saigne, et pensez qu'en faisant le bien, vous travaillez pour vous et les vôtres.

Jules Morin.

Remarque. - L'Esprit qui signe ainsi est tout à fait inconnu ; on peut voir par la communication ci-dessus, et par beaucoup d'autres du même genre, qu'il n'est pas toujours nécessaire d'un nom illustre pour obtenir de belles choses. C'est une puérilité de s'attacher au nom ; il faut accepter le bien de quelque part qu'il vienne ; d'ailleurs, le nombre des noms illustres est très limité ; celui des Esprits est infini. Pourquoi donc n'y en aurait-il pas d'aussi capables parmi ceux que l'on ne connaît pas ? Nous faisons cette réflexion, parce qu'il y a des personnes qui croient qu'on ne peut rien obtenir de sublime qu'appelant des célébrités ; l'expérience prouve tous les jours le contraire, et nous montre qu'on peut apprendre quelque chose avec tous les Esprits, si l'on sait en profiter.


Un frère mort à sa sœur vivante.

(Médium, madame Schmidt.)

Ma sœur, tu ne m'évoques pas souvent ; cela ne m'empêche pas de venir te voir tous les jours. Je connais tes ennuis ; ta vie est pénible, je le sais, mais il faut subir son sort qui n'est pas toujours gai. Cependant il y a quelquefois un soulagement dans les peines ; par exemple, celui qui fait le bien aux dépens de son propre bonheur, peut, pour lui-même et pour d'autres, détourner la rigueur de bien des épreuves.

Il est rare que, dans ce monde, on voie faire le bien avec cette abnégation ; sans doute c'est difficile, mais ce n'est pas impossible, et ceux qui ont cette sublime vertu sont vraiment les élus du Seigneur. Si l'on se rendait bien compte de ce pauvre pèlerinage sur la terre, on comprendrait cela ; mais il n'en est pas ainsi : les hommes se cramponnent après les biens comme s'ils devaient toujours rester dans leur exil. Cependant le vulgaire bon sens, la plus simple logique, démontrent tous les jours que l'on n'est, ici-bas, que des oiseaux de passage, et que ceux qui ont le moins de plumes à leurs ailes sont ceux qui arrivent le plus vite.

Ma bonne sœur, à quoi sert à ce riche tout ce luxe, tout ce superflu ? demain il sera dépouillé de tous ces vains oripeaux pour descendre dans la tombe, et il n'en emportera rien. Il est vrai qu'il a fait un beau voyage ; rien ne lui a manqué, il ne savait plus que désirer, il a épuisé les délices de la vie ; il est vrai aussi que, dans son délire, il a quelquefois jeté en riant l'aumône dans la main de son frère ; mais pour cela s'est-il retiré un morceau de la bouche ? Non ; car il ne s'est pas privé d'un seul plaisir, d'une seule fantaisie. Ce même frère, cependant, est un enfant de Dieu, notre père à tous, à qui tout appartient. Comprends-tu, ma sœur, qu'un bon père ne déshérite pas un de ses enfants pour enrichir l'autre ? C'est pourquoi il récompensera celui qui est privé de sa part en cette vie.

Ainsi donc, ceux qui se croient déshérités, abandonnés et oubliés, atteindront bientôt le rivage béni où règnent la justice et le bonheur. Mais malheur à ceux qui ont fait un mauvais usage des biens que notre père leur a confiés ! Malheur aussi à l'homme doué du don si précieux de l'intelligence, s'il en a abusé ! Crois-moi, Marie, quand on croit à Dieu, il n'y a rien sur la terre que l'on puisse envier, si ce n'est la grâce de pratiquer ses lois.

Ton frère Wilhelm.


Le Christianisme.

(Médium, M. Didier fils.)

Ce qu'il faut observer dans le Spiritisme, c'est la morale chrétienne. Il y a eu bien des religions depuis des siècles, bien des schismes, et bien de prétendues vérités ; et tout ce qui s'est élevé en dehors du christianisme est tombé, parce que l'Esprit saint ne l'animait pas. Le Christ résume ce que la morale la plus pure, la plus divine, enseigne à l'homme touchant ses devoirs dans cette vie et dans l'autre. L'antiquité, dans ce qu'elle a de plus sublime, est pauvre devant cette morale si riche et si fertile. L'auréole de Platon pâlit devant celle du Christ, et la coupe de Socrate est bien petite devant l'immense calice du Fils de l'homme. Est-ce toi, ô Sésostris ! despote de l'immobile Egypte, qui peut te mesurer, du haut de tes colossales pyramides, avec le Christ naissant dans une crèche ? Est-ce toi Solon ? Est-ce toi Lycurgue dont la loi barbare condamnait les enfants mal formés, qui pouvez vous comparer à celui qui a dit face à face avec l'orgueil : " Laissez venir à moi les petits enfants ? " Est-ce vous, pontifes sacrés du pieux Numa dont la morale voulait la mort vivante des vestales coupables, qui pouvez vous comparer à celui qui a dit à la femme adultère : " Relève-toi, femme, et ne pèche plus ? " Non, pas plus que ces mystères ténébreux que vous pratiquiez, ô prêtres antiques ! avec ces mystères chrétiens qui sont la base de cette religion sublime que l'on nomme Christianisme. Devant lui vous vous inclinez tous, législateurs et prêtres humains ; inclinez-vous, car c'est Dieu lui-même qui a parlé par la bouche de cet être privilégié qui se nomme Christ.

Lamennais.


Le Temps perdu.

(Médium, mademoiselle Huet.)

Si vous pouviez un instant réfléchir sur la perte du temps, mais y réfléchir bien sérieusement, et circuler le tort immense que vous vous faites, vous verriez combien cette heure, cette minute écoulée inutilement et que vous ne pouvez rattraper, pouvait être nécessaire à votre bien futur. Tous les trésors de la terre ne sauraient vous la rendre ; et si vous l'avez mal passée, un jour vous serez obligé de la réparer par l'expiation, et d'une manière terrible peut-être ! que ne donneriez-vous alors pour rattraper ce temps perdu ! Vœux inutiles ; regrets superflus ! Aussi, pensez-y bien, c'est dans votre intérêt futur et même présent ; car souvent les regrets nous atteignent sur la terre même. Quand Dieu vous demandera compte de l'existence qu'il vous a donnée, de la mission que vous aviez à remplir, que lui répondrez-vous ? Vous serez comme l'envoyé d'un souverain, qui loin d'accomplir les ordres de son maître, passerait le temps à s'amuser et ne s'occuperait nullement de l'affaire pour laquelle on l'aurait accrédité ; quelle responsabilité n'encourrait-il pas à son retour ? Vous êtes ici-bas les envoyés de Dieu, et vous aurez à lui rendre compte de votre temps passé avec vos frères. Je vous recommande cette méditation.

Massillon.


Les Savants.

(Médium, mademoiselle Huet.)

Puisque vous appelez un Esprit à vous. Dieu me permet de venir ; je vais vous donner un bon conseil, surtout à vous M….

Vous qui vous occupez toujours des savants, car c'est là votre préoccupation, laissez-les donc de côté ; que peuvent-ils sur les croyances religieuses et surtout spirites ! De tous temps n'ont-ils pas repoussé les vérités qui se sont présentées ? N'ont-ils pas rejeté toutes les inventions, les traitant de chimères ? Ceux qui les annonçaient, ces vérités, les uns étaient traités de fous, et comme tels renfermés ; les autres étaient jetés dans les cachots de l'inquisition, d'autres lapidés ou brûlés. La vérité, plus tard, n'en éclatait pas moins aux yeux des savants surpris qui l'avaient mise sous le boisseau. En vous adressant sans cesse à eux, voulez-vous, nouveau Galilée, vous faire infliger la torture morale qui est le ridicule, et être forcé de rétracter vos paroles ? Le Christ s'est-il adressé aux Académies de son époque ? Non ; il prêchait sa divine morale à tous en général et au peuple en particulier.

Pour apôtres ou propagateurs de sa venue, il a choisi des pêcheurs, gens simples de cœur, très ignorants, qui ne connaissaient pas les lois de la nature, et ne savaient pas si un miracle pouvait les contrarier, mais qui croyaient naïvement. " Allez, disait Jésus, et racontez ce que vous avez vu. "

Il n'a jamais fait un miracle qu'en faveur de ceux qui le demandaient avec foi et conviction ; il l'a refusé aux Pharisiens et aux Saducéens qui venaient pour le tenter, et il les a traités d'hypocrites. Adressez-vous donc aussi à des personnes intelligentes, portées à croire ; rejetez les savants et les incrédules.

Du reste qu'est-ce qu'un savant ? Un homme qui est plus instruit que les autres, parce qu'il a plus étudié, mais qui a bien perdu du prestige qu'il avait autrefois, auréole fatale qui lui valait souvent les honneurs du bûcher. Mais à mesure que l'intelligence populaire s'est développée, l'éclat en a diminué ; aujourd'hui l'homme de génie ne craint plus d'être accusé de sorcellerie ; il n'est plus l'allié de Satan.

L'humanité éclairée apprécie à sa juste valeur celui qui travaille beaucoup et qui sait beaucoup ; elle sait placer sur le piédestal qui lui convient l'homme de génie qui enfante de belles œuvres. Comme elle sait en quoi consiste la science du savant, elle ne le tourmente plus ; comme elle sait d'où émane le génie créateur, elle s'incline devant lui ; mais à son tour elle veut avoir la liberté de croire à telles vérités qui font sa consolation ; elle ne veut pas que celui qui sait plus ou moins de chimie, plus ou moins de rhétorique ; qui enfante le plus bel opéra, vienne l'entraver dans ses croyances, en lui jetant le ridicule à la face et en traitant ses idées de folie ; elle se détournera de leur chemin, et poursuivra silencieusement sa route ; la vérité enveloppera un jour le monde tout entier, et ceux qui l'avaient repoussée seront obligés de la reconnaître. Moi-même qui me suis occupé du Spiritualisme jusqu'à mon dernier jour, je l'ai toujours fait dans l'intimité.

L'Académie m'importait peu. Elle viendra à vous plus tard, croyez-le.

Delphine de Girardin.


L'Homme.

L'homme est un composé de grandeur et de misère, de science et d'ignorance ; sur la terre, il est le vrai représentant de Dieu, car sa vaste intelligence embrasse l'univers ; il a su découvrir une partie des secrets de la nature ; il sait se servir des éléments ; il parcourt des distances immenses par le moyen de la vapeur ; il peut converser avec son semblable d'un antipode à l'autre par l'électricité qu'il sait diriger ; son génie est immense ; quand il sait déposer tout cela aux pieds de la Divinité et lui en faire hommage, il est presque l'égal de Dieu !

Mais qu'il est petit et misérable, quand l'orgueil s'empare de son être ! Il ne voit pas sa misère, il ne voit pas que son existence, cette vie qu'il ne peut comprendre, lui est ravie quelquefois instantanément par la seule volonté de cette Divinité qu'il méconnaît, car il ne peut se défendre contre elle ; il faut que son tort s'accomplisse ! Lui qui a tout étudié, tout analysé ; lui qui connaît si bien la marche des astres, connaît-il la puissance créatrice qui fait germer le grain de blé qu'il a mis en terre ? Peut-il créer une fleur, la plus simple et la plus modeste ? Non ; là s'arrête son pouvoir. Il devrait alors reconnaître qu'il y en a un bien supérieur au sien ; l'humilité devrait s'emparer de son cœur, et en admirant les œuvres de Dieu, il ferait un acte d'adoration.

Sainte Thérèse.


De la fermeté dans les travaux spirites.

Je vais vous parler sur la fermeté que vous devez avoir dans vos travaux spirites. Une citation sur ce sujet vous a été faite ; je vous conseille de l'étudier de cœur, et de vous en appliquer l'esprit ; car, de même que saint Paul, vous serez persécutés, non pas en chair et en os, mais en esprit ; les incrédules, les pharisiens de l'époque, vous blâmeront, vous bafoueront ; mais ne craignez rien, ce sera une épreuve qui vous fortifiera si vous savez la rapporter à Dieu, et plus tard vous verrez vos efforts couronnés de succès ; ce sera un grand triomphe pour vous au jour de l'éternité : sans oublier que, dans ce monde, c'est déjà une consolation pour les personnes qui ont perdu des parents et des amis ; savoir qu'ils sont heureux, qu'on peut communiquer avec eux, est un bonheur. Marchez donc en avant ; accomplissez la mission que Dieu vous donne, et elle vous sera comptée au jour où vous paraîtrez devant le Tout-Puissant.

Channing.