IV. - PRATIQUE DE LA MEDIUMNITE.

L'étude et l'application des facultés médianimiques sont d'une importance capitale, disions-nous, car, selon l'usage que l'on fait de ces dons, ils peuvent devenir un bien ou un mal pour ceux qui les possèdent et pour la cause qu'ils veulent servir.

Le spiritisme est une arme à double tranchant : arme puissante avec le concours des Esprits élevés, pour combattre l'erreur, le mensonge, toutes les misères morales de l'humanité ; mais arme dangereuse par l'action des esprits inférieurs et mauvais. Dans ce cas, elle peut se retourner contre les médiums et les expérimentateurs, les blesser dans leur santé, leur dignité et causer de graves désordres.

Tout dans l'expérimentation spirite dépend de l'intervention des Invisibles. Leur action varie de nature et de qualité suivant la valeur des Entités qui se manifestent.

Les Esprits élevés répandent sur nous des fluides purs et bienfaisants, qui réconfortent nos âmes et apaisent nos douleurs, nous prédisposent à la bonté, à la charité. Nous puisons dans leur commerce les forces nécessaires pour vaincre nos défauts et nous perfectionner.

Les manifestations des esprits inférieurs peuvent être utiles par les preuves d'identité qu'elles fournissent, mais, à la longue, leurs fluides lourds et malsains altèrent l'état de santé des médiums, troublent leur jugement et leur conscience, et, dans certains cas, aboutissent à l'obsession et à la folie.

Les scènes tragiques décrites par le docteur Paul Gibier dans son livre Spiritisme ou Fakirisme occidental et dont il faillit être victime, les exemples que nous rencontrons un peu partout autour de nous démontrent, jusqu'à l'évidence, les risques que l'on court en établissant des rapports suivis avec les rôdeurs de l'espace. Faire du spiritisme sans s'entourer des précautions nécessaires équivaut à ouvrir sa porte toute grande aux apaches de la rue.

Rappelons en quoi consistent les précautions indispensables. Avant chaque séance, il faut évoquer les Esprits guides, s'assurer une protection efficace qui, en écartant les mauvaises influences, établisse dans l'entourage invisible la même discipline que le président terrestre fera régner parmi les assistants.

Dans ce but, Allan Kardec recommande la prière et nous n'hésitons pas à insister sur son opinion. Sans doute, comme lui, on nous traitera de mystique, alors que nous observons et appliquons simplement la loi universelle des vibrations qui unit tous les êtres, tous les mondes et les relie à Dieu. Cette loi, la science commence à peine à en balbutier les premiers éléments par l'étude de la radioactivité des corps, par l'application des ondes et des courants à grande distance. Mais, à mesure que se poursuivront ses investigations dans le domaine de l'invisible, elle en constatera le merveilleux agencement et les vastes conséquences. A ce point de vue, de splendides découvertes lui sont réservées, car c'est là que réside tout le secret de la vie supérieure, de la vie libre de l'esprit dans l'espace et la règle de ses manifestations.

Par la pensée et la volonté nous pouvons mettre en mouvement toutes les forces cachées en nous. Nos radiations fluidiques s'imprègnent des qualités ou des défauts de cette pensée et créent autour de nous une ambiance conforme à notre état d'âme.

La prière étant l'expression la plus haute et la plus pure de la pensée, trace un chemin fluidique qui permet aux Entités de l'espace de descendre vers nous et de se communiquer ; elle constitue dans les groupes un milieu favorable aux phénomènes d'ordre élevé, en même temps qu'un préservatif contre les esprits mauvais.

Pour être efficace et produire tout l'effet attendu, la prière doit être un appel ardent, spontané, par conséquent de courte durée ; par contre, les prières banales, récitées du bout des lèvres, sans chaleur communicative, ne produisent que de faibles et insuffisantes radiations.

On comprendra, dès lors, la nécessité dans les séances, de l'union des pensées et des volontés. On appréciera surtout le rôle important que jouent dans les émissions fluidiques les sentiments de foi, de confiance, de désintéressement, toutes les qualités morales en un mot, les facilités qu'elles créent aux bons Esprits, en même temps que les obstacles qu'elles opposent aux agissements des esprits mal intentionnés.

Et cela, sans exclure le libre examen et les conditions de contrôle dont aucun chercheur ne doit se départir jamais.

Il ne faut pas s'étonner non plus, si les résultats obtenus restent relativement pauvres et laborieux, dans les milieux où règne une atmosphère de scepticisme, où l'on prétend commander aux phénomènes et aux Esprits et où l'on crée ainsi, sans le savoir, des entraves aux manifestations d'un ordre élevé.

En outre, le président de chaque groupe doit s'efforcer d'obtenir le silence, le recueillement pendant les séances, écarter les questions inopportunes et trop personnelles posées aux Esprits, afin de maintenir, autant que possible, l'union des pensées et des volontés en les dirigeant vers un but commun. Les pensées divergentes, les préoccupations matérielles forment des courants contraires, une sorte de chaos fluidique qui gêne l'intervention des guides, tandis que la concordance des vues et des sentiments établit la fusion harmonique des fluides et crée un milieu propice à leur action. La séance doit se terminer par quelques paroles de remerciements aux Esprits protecteurs et par l'invitation aux assistants à se pénétrer des enseignements reçus, et à pratiquer la morale qui en découle.

Par leurs critiques, nos contradicteurs inexpérimentés démontrent souvent leur peu de compétence en ces matières. Mais, d'un autre côté, tous les magnétiseurs connaissent cette propriété des fluides, qui reflètent exactement notre état d'âme et auxquels ils savent parfois imprimer des qualités bienfaisantes et curatives.

On peut aussi démontrer expérimentalement l'existence et la variété infinie de ces fluides qui diffèrent avec chaque personnalité.

Des plaques photographiques peuvent facilement être impressionnées par les radiations échappées de nos doigts et de nos cerveaux et enregistrer des effluves qui varient suivant nos dispositions personnelles.

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L'exercice de la médiumnité rencontre deux écueils redoutables : l'esprit de lucre et l'orgueil. Combien de médiums, animés tout d'abord d'un sincère désir de servir notre cause, ont fini, sous l'instigation de ce dernier défaut, par glisser dans le ridicule et sont devenus la risée de tous.

Si le contentement de soi-même est bien légitime quand il résulte de qualités ou de mérites acquis par des travaux ou des études prolongés, comment peut-on tirer de l'orgueil d'une faculté venue d'en-haut et qui n'a nécessité ni dépenses, ni efforts ?

C'est l'orgueil qui inspire ces rivalités, ces jalousies mesquines entre médiums, causes fréquentes de désagrégation pour les groupes. Il faut que chacun se contente de ce qu'il reçoit.

Lorsque le médium est exempt de vanité, simple de coeur et que, dans la sincérité de son âme, sous le regard de Dieu, il offre son concours aux bons Esprits, ceux-ci s'empressent de l'assister et de l'aider à développer ses facultés. Tôt ou tard ils amènent près de lui les parents défunts, les morts aimés, et une douce intimité se reconstitue, source de joies et de consolations. Peu à peu le médium devient l'artisan béni de l'oeuvre de rénovation. Il reçoit et transmet les instructions qui éclairent la vie et tracent à tous la voie d'ascension : il apporte le secours moral qui rend le devoir plus facile, l'épreuve plus supportable.

Ainsi, de proche en proche, avec l'enseignement des Esprits, la notion de justice se répandra sur le monde. En apprenant que nous venons presque tous expier des fautes antérieures, l'homme sera moins porté à murmurer contre son sort, sa pensée planera au-dessus des misères de ce monde. Il évitera, par ses actes et ses paroles, d'augmenter le fardeau des iniquités qui retombe sur lui. Alors la vie sociale pourra s'améliorer et l'humanité fera un pas en avant.

Toutes ces humbles vies de médiums qui, sans cela, resteraient obscures et insignifiantes seront, du fait de la mission reçue, enrichies, éclairées d'un rayon d'en-haut et deviendront autant d'éléments de progrès et de régénération.

Le commerce avec l'invisible, la pénétration des grandes et pures âmes accroissent les facultés psychiques et multiplient les moyens de perception. Dans les séances bien dirigées, le médium ressent de plus en plus les radiations, les effluves des mondes supérieurs. Il éprouve une dilatation de l'être, une somme de jouissances subtiles qui échappent à l'analyse et qui sont comme un avant-goût de la vie spirituelle, un prélude à la vie de l'espace. C'est une compensation offerte, dès l'existence présente, aux déboires et aux fatigues qui se rattachent à l'exercice de la médiumnité.

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Le médium sincère, loyal, désintéressé, disions-nous, peut être assuré de l'assistance des bons Esprits ; mais, s'il se laisse envahir par l'amour du lucre ou par l'orgueil, les Esprits guides s'éloignent et laissent la place aux esprits légers et arriérés. Dès lors les tromperies, les mystifications abondent. Des messages apparaissent signés de noms pompeux, noms d'hommes d'Etat, de rois, d'empereurs, de poètes célèbres et, lorsqu'on passe ces productions au crible de la raison et du jugement, on s'aperçoit qu'on est victime d'une supercherie.

Nous ne prétendons pas que ces grands Esprits ne se communiquent jamais. Toutefois, sachant par expérience que les âmes élevées qui ont porté des noms illustres sur la terre n'aiment pas à en faire parade et qu'elles préfèrent se manifester sous des noms allégoriques, sous des formes d'emprunt, nous conseillons la plus grande prudence en ces matières.

Trop de médiums ont contribué ainsi à dénaturer le spiritisme. Allan Kardec, par la droiture de son caractère et la dignité de sa vie, par l'élévation de sa pensée, a eu le privilège d'attirer à lui de hautes et nobles Entités. Lisons et méditons ses livres, qui sont l'expression de la plus pure sagesse et de la vérité.

Par exemple, dans ses oeuvres, ce grand écrivain s'est toujours élevé avec vigueur contre le principe de la médiumnité salariée, comme étant la cause d'abus sans nombre1.

Rappelons d'abord que la médiumnité est changeante, variable et peut disparaître comme elle est venue. Elle n'exige pas d'études préalables, une préparation laborieuse comme l'acquisition d'un art, d'une science, etc. C'est un don qui est retiré, lorsqu'on en abuse : les exemples en sont fréquents. La médiumnité, donnant des résultats très divers selon les milieux, l'ambiance et la protection occulte, ou même des résultats négatifs, se prête peu à une exploitation régulière et continue. Les Guides sérieux, les Esprits élevés ne s'y prêteraient pas.

Nous admettons cependant que les savants et autres expérimentateurs qui veulent se servir des facultés d'un médium et accaparer son temps, contractent avec lui des engagements et le dédommagent de ses déplacements ainsi que des heures perdues. Nous considérons même que les groupes doivent aux médiums, après des services suffisants, des égards et des témoignages de sympathie, à la condition qu'ils n'atteignent en rien le principe de la médiumnité gratuite et désintéressée.

On peut nous objecter qu'Allan Kardec est mort depuis 50 ans. Les circonstances, dira-t-on, ont changé, le spiritisme s'est répandu, la science commence à s'intéresser à ses phénomènes et, il importe de lui fournir les moyens de les constater, de les affirmer.

Nous répondrons que les préceptes formulés par Allan Kardec n'ont rien perdu de leur opportunité. Et c'est précisément parce que le spiritisme s'étend et qu'il est appelé à jouer un grand rôle, parce qu'il porte en lui des éléments de salut et de relèvement, qu'il faut s'attacher à le préserver de toute souillure, à écarter tout ce qui pourrait diminuer sa valeur et sa beauté.

Or, il est incontestable que tout trafic inspire la méfiance. L'appât du gain pousse au charlatanisme et à la supercherie. Lorsque le médium a pris l'habitude de tirer un profit matériel de ses facultés, il glisse peu à peu dans la fraude, car, si les faits ne se produisent pas, il s'ingénie à les imiter.

Partout où le spiritisme est un objet de commerce, les Esprits sérieux s'éloignent et les esprits inférieurs viennent les remplacer.

Dans ces milieux, le spiritisme perd toute influence bienfaisante et moralisatrice, pour devenir un véritable danger, une exploitation du chagrin et du souvenir des morts.

En résumé, nous répétons aux spirites et aux médiums : Dans vos réunions, pratiquez toujours le recueillement et la prière. Que celle-ci soit la fusée lumineuse qui atteint directement son but et appelle à vous les bons Esprits ; sans cela vous n'aurez pas les âmes que vous désirez, vous n'aurez pas les morts aimés dont vous sollicitez la venue.

Ne faites pas de vos séances un objet d'amusement, de curiosité, un aliment pour les badauds, mais un acte grave et solennel, un procédé de culture intellectuelle et morale. N'attirez pas les esprits d'ordre inférieur, dont les fluides peuvent altérer votre santé et provoquer des cas de hantise. N'évoquez vos guides qu'à bon escient et avec respect. Tous ont leurs missions à remplir dans l'au-delà ; leurs occupations sont multiples et absorbantes. Leur vie est loin d'être la béatitude rêvée, c'est une activité constante, un dévouement à toutes les grandes causes. Leurs enseignements, leurs conseils vous aideront à supporter les vicissitudes de l'existence terrestre, ils vous donneront la certitude des vies à venir, vies de travail, de purification, de devoir par lesquelles vos âmes, devenues plus légères, monteront un jour vers ces sphères lumineuses où elles commenceront à goûter les joies de l'infini.

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A l'heure où nous sommes, une grande espérance se lève sur le monde, une aurore nouvelle commence à luire pour la pensée et pour la science. Le spiritisme étant basé sur la vérité, ne petit périr, mais sa marche peut être retardée par les erreurs et les fautes de ses partisans, plus encore que par l'opposition et les manoeuvres de ses adversaires.

Un jour viendra où tout ce que les Esprits enseignent depuis près d'un siècle sur le périsprit, sur les fluides, sur la succession de nos existences, tout cela sera admis comme vrai et confirmé par la science. On reconnaîtra le grand rôle de la prière dans la communion universelle des êtres. Alors, les litanies monotones et interminables de l'Eglise cesseront pour faire place au cri de l'âme vers son Père, à l'appel ardent de l'être humain vers Celui de qui tout émane, et vers qui tout retourne éternellement.

Ce jour venu, la religion et la science se fondront en une conception agrandie de la vie et de la destinée. Le spiritisme deviendra le culte de la famille ; le père, plus instruit, plus éclairé, remplacera le prêtre ; l'épouse, les filles seront les médiums à l'aide desquels les esprits des ancêtres, les mânes des aïeux se manifesteront et assureront leur influence morale. Ce sera le retour à la religion simple et primitive, enrichie par les progrès et l'évolution des siècles ; sur ce culte familial se grefferont des réunions imposantes et des manifestations de l'ordre esthétique le plus élevé.

Mais, pour que le spiritisme réalise tout son programme rénovateur, il faut écarter de son sein les germes morbides, tous les éléments mauvais qui pourraient entraver ou arrêter son essor. A ce point de vue, la responsabilité des spirites est grande et ils doivent écarter avec soin tout ce qui retarderait l'épanouissement grandiose de nos croyances et leur effet moralisateur.

Le spiritisme, après avoir été longtemps bafoué, méprisé même, s'impose désormais par la puissance de ses faits et la beauté morale de sa doctrine. Il est devenu une force rayonnante qui s'étend de plus en plus sur le monde. Après les épreuves d'une guerre de cinq années, à la suite des deuils et des vides causés par tant de départs, bien des regards éplorés se tournent vers lui.

Nous qui avons connu les difficultés et souffert des hostilités du début, nous constatons avec joie cette poussée immense qui porte les âmes vers nos croyances. Toutefois, pour en assurer la diffusion et le triomphe définitif, pour obtenir le respect de ses adversaires eux-mêmes, et jouer le rôle salutaire qui lui échoit dans l'oeuvre de relèvement de la Patrie, le spiritisme doit remplir une condition absolue, sans laquelle il n'est pas de succès possible, et, cette condition, c'est d'être et de rester honnête, selon les traditions de son vénéré fondateur.


1 Voir surtout :
Livre des médiums, chap. XVIII, pp. 420-426 ;
Revue spirite, 1859, p. 94 ; 1864, p. 78 ; 1869, p. 43.
Qu'est-ce que le Spiritisme ? pp. 53-58.
L'Evangile selon le spiritisme, chap. XXVII.