Discours extraits de la Revue Spirite des mois de septembre et décembre 1925, prononcés à l'occasion du Congrès Mondial de Paris, du 6 au 13 septembre 1925.


Discours de M. Léon DENIS,

Membre d'honneur de la F. S. I., Président du Congrès

 Mesdames, Messieurs,

Frères et Sœurs en croyance,

 Après avoir remercié le Président anglais des belles et généreuses paroles qu'il vient de prononcer à mon sujet, je suis heureux de pouvoir vous saluer et vous souhaiter la bienvenue au nom des spirites français.

Je suis heureux de saluer les délégués des nations qui sont venus des points les plus opposés du Monde pour participer à nos travaux.

Je salue tous ceux qui n'ont pas hésité à quitter leur demeure, à parcourir, dans certains cas, de grandes distances, pour venir coopérer avec nous à une œuvre de concorde et d'union fraternelle. Et je suis particulièrement touché de voir parmi nous la délégation britannique si nombreuse, car nous savons, nous estimons que ce sont nos frères anglais qui, à l'heure présente, portent le plus haut dans le monde, le plus fermement, la bannière du spiritualisme, ce que nous appelons le spiritisme. Et laissez-moi vous dire que le spiritisme et le spiritualisme ne sont que deux mots pour définir le même principe et la même doctrine ; comme l'a établi avec force arguments le Pr Barrett dans son magnifique ouvrage qu'il a publié avant de mourir – son dernier ouvrage – qui est une synthèse admirable du spiritualisme, et qui a pour titre : « Au seuil de l'Invisible ». Nous saluons nos frères anglais avec effusion, nous vous saluons tous, à quelque nation que vous apparteniez, au nom de nos croyances communes, au nom de la grande cause que nous servons. (Applaudissements.)

Il est probable, Mesdames et Messieurs, que beaucoup d'entre vous se rencontrent ici pour la première fois, et cependant nous nous sentons tous réunis par ces liens puissants, par des liens spirituels qui unissent les âmes dans une foi sincère, en des aspirations ardentes, vers la vérité, vers la lumière, et n'est-ce pas là le lien par excellence, le lien indestructible qui rapproche les âmes comme les membres d'une même famille et qui, en même temps, unit la terre aux espaces. Car nous savons tous qu'au-dessus de nos petites patries terrestres, au-dessus de nos patries humaines, plus haut que nos différences de langues et de races, il y a la grande patrie éternelle d'où nous sortons tous à la naissance, d'où nous retournons tous à la mort pour nous retrouver dans cette patrie des âmes qui n'a pas de bornes, qui ne connaît pas de frontières, parce qu'elle est le champ immense de l'évolution, l'évolution de tous les êtres dans leur ascension lente et graduelle vers Dieu. (Applaudissements.)

Laissez-moi vous rappeler une grande loi de l'histoire ; il s'agit de la marche des peuples vers l'unité, et, à ce point de vue, vous savez que notre époque est dominée par un événement considérable, c'est-à-dire la fondation, après la guerre, l'établissement de la Société des Nations. Par là, les peuples ont affirmé leur volonté, leur résolution de se rapprocher, de s'entendre, de mettre fin, par conséquent, à ces conflits sanglants, à ces luttes fratricides qui, de temps à autre, déchirent si cruellement l'humanité.

Mais qu'est-il arrivé ? Il est arrivé ceci : c'est que, dès les premières assemblées, dès les premières réunions, il a fallu reconnaître que les âmes des nations avaient des mentalités diverses ; elles avaient des vues différentes, elles avaient des intérêts opposés ou parfois même contradictoires. Il a fallu reconnaître que les opinions, les goûts, les tendances n'offraient pas cette convergence, cette homogénéité nécessaire pour réaliser l'harmonie. Que fallait-il donc ? Que manquait-il donc ? Ce n'était pas dans l'ordre économique, ni dans la politique, ni même dans les religions qui s'excluent mutuellement, ce n'était pas là qu'on pouvait trouver les éléments d'une entente solide, d'un accord prolongé !

Voici ce qu'il fallait : une foi commune. Quand je me sers du mot « foi », c'est dans le sens de croyance, de conviction profonde, de désir ardent. Il fallait donc une foi commune basée sur la science, sur la raison, appuyée sur des preuves expérimentales qui aient un caractère universel, un caractère mondial, sur des preuves qui apprennent enfin aux hommes, aux peuples, le sens véritable, le sens profond de la vie, qui leur fassent connaître ces grandes lois de justice, de progrès, qui dominent toutes choses, et par-dessus tout cette loi de la conséquence des actes avec les responsabilités qui s'y rattachent, avec les répercussions qu'elles entraînent à travers les temps, à travers les siècles et qui retombent toujours sur leurs auteurs. Il fallait une foi libre, indépendante de tous les dogmes, une foi positive, mais assez forte pour faire converger toutes les volontés, tous les efforts, toutes les aspirations vers cet objectif capital, vers cet objectif essentiel de toute existence humaine, l'Évolution, l'Évolution dans toute la plénitude des ressources, des moyens d'action que possède notre planète, cette planète qui n'est elle-même qu'une des étapes de la route infinie. (Applaudissements.)

Ce qu'il fallait, Mesdames et Messieurs, c'est une foi assez puissante pour apprendre à l'homme à vaincre ses passions, à dominer ses intérêts, à dominer ses instincts égoïstes pour coopérer à l'ordre et à l'harmonie générale. C'est là le ciment nécessaire, le ciment indispensable à toute œuvre forte, à toute œuvre durable, et aussi longtemps que l'édifice social et mondial en sera dépourvu, eh bien ! il n'y aura pas de sécurité, il n'y aura pas de paix, pas d'avenir assuré. En effet, je vous le demande, comment pourrait-on songer à faire l'accord entre les intérêts divers ? Comment pourrait-on faire pénétrer l'harmonie, la justice dans les institutions sociales, si l'on ne songe pas, tout d'abord, à faire pénétrer ces choses dans les esprits, dans les pensées, dans les consciences ? Si vous me demandez d'où viendra cette foi, cette conviction, cette croyance, je vous répondrai : « C'est ce spiritisme, ce spiritualisme, comme disent nos frères anglais, c'est cette révélation des Esprits qui nous rassemble tous ici pour une même tâche, qui nous fait communier dans une même pensée, dans un même cœur, en une œuvre haute et grave ; c'est ce spiritisme, lorsqu'il aura pénétré dans tous les milieux, lorsqu'il aura contribué avec le temps à l'éducation des masses, c'est lui qui nous procurera cette foi supérieure, cette foi libre, cette foi positive qui sera un immense secours, une aide incomparable pour la solution des problèmes sociaux, et aussi consistera à faire – je ne dis pas l'unité, ce n'est pas possible – mais au moins l'accord entre toutes les nations. (Applaudissements.)

On parle beaucoup de sécurité en ce moment. Il est même probable qu'à l'heure où nous sommes, nos hommes d'État se rassemblent à Genève pour signer ce que l'on appelle le pacte de garanties contre les conflits futurs.

Mais est-il possible de compter sur une sécurité prolongée et durable aussi longtemps que les hommes s'appuieront sur la force matérielle ? Pour nous, spirites, la sécurité ne peut découler que de la force morale, de la volonté collective de concorde, de paix, d'harmonie. Pour la réaliser, il faudrait deux choses essentielles, ce serait d'abord de faire abstraction, dans la mesure du possible, des intérêts matériels. Ce serait surtout de communier dans un même idéal supérieur, dans une même conception, dans une même compréhension de la vie et de la survie ; appuyés sur la science des faits, sur les témoignages d'outre-tombe qui ont été recueillis en tous pays, appuyés surtout sur cette notion, sur cette grande loi de justice qui régit tous les actes et en fixe les répercussions à travers les temps pour tous les individus, pour tous les peuples.

Cette conception que les religions ne nous ont jamais donnée que d'une façon incomplète, imprécise, cette conception, le spiritisme vient l'offrir à la pensée, à la conscience des générations. Et c'est pourquoi nous avons le devoir de la maintenir, de l'affirmer dans son intégrité, dans sa plénitude ; nous avons le devoir de l'affirmer à la face du monde, et ce sera l'œuvre de ce Congrès, ce sera votre œuvre, Messieurs, parce que nous considérons qu'elle est l'instrument indispensable, l'instrument absolument nécessaire pour réaliser la rénovation morale et la pacification universelle. (Applaudissements.)

On me dira peut-être : c'est là une utopie, c'est une chimère. On nous l'a d'ailleurs déjà dit. On nous a dit que nous faisions un rêve, un beau rêve, mais j'ai là un argument sous les yeux, et je puis répondre à nos contradicteurs sur ce point ; cette Fédération qui se constitue n'est-elle pas la preuve que nos vues, nos espérances sont réalisables ? Cette Fédération, elle est encore à l'état d'enfance, mais peu à peu elle se fortifiera, elle grandira, elle a déjà eu des représentants dans tous les milieux, dans toutes les nations, et un jour ce n'est pas trop d'espérer que, devenue plus forte, plus puissante, elle provoquera un mouvement d'opinion qui entraînera le monde entier vers des horizons plus larges, vers des horizons moins chargés de sombres nuées, vers un avenir moins semé de périls et de menaces, et qu'enfin l'Humanité pourra voir luire une époque plus heureuse, plus calme, plus exempte des passions, des erreurs qui troublent son œuvre d'élaboration et d'évolution. (Applaudissements.)

Je termine, Mesdames et Messieurs, mais, avant de finir, n'est-ce pas un devoir de rappeler le souvenir, la mémoire de ceux qui ont posé les bases et tracé les fondations de cette œuvre qui s'élève lentement, mais qui, un jour, abritera la pensée et la conscience des générations ? Honorons ces hommes laborieux qui, le front haut et l'âme sereine, n'ont pas craint d'affronter l'opinion hostile, de proclamer leur conviction et le résultat de leurs travaux. En première ligne, je place les savants anglais qui, depuis William Crookes jusqu'à Lodge, en passant par R. Wallace, par Myers, par Barrett, sans oublier notre ami Conan Doyle, ont donné un si grand exemple. Je l'ai souvent cité, cet exemple des savants anglais, et rappelé le courage avec lequel ils ont affronté l'opinion. C'est à eux que nous devons de voir aujourd'hui s'élever cet édifice magnifique de la pensée, de la science humaine.

Nous n'avons pas en France, il faut le reconnaître, à présenter un aussi grand nombre de noms glorieux, mais nous avons, nous aussi, nos pionniers, nos lutteurs, nos savants laborieux. Je ne citerai que quelques noms, et je rappellerai, sans parler d'Allan Kardec qui est le grand initiateur et qui a sa place à part, mais en restant dans le domaine exclusivement expérimental, exclusivement scientifique, je rappellerai les noms du Dr Paul Gibier, du colonel de Rochas, du Dr Geley, de Camille Flammarion et d'autres noms dont vous avez gardé la mémoire et dont on vous parlera tout à l'heure plus longuement. C'est grâce à ces hommes que la science française si longtemps réfractaire, si longtemps hésitante ou indifférente, commence à s'engager peu à peu dans la voie qui, par la force des choses et par la puissance de la vérité, la conduira à constater l'existence de ce monde invisible avec lequel nous avons réussi à entrer en communication et d'où nous viennent toutes les inspirations et le courage nécessaire pour poursuivre notre œuvre laborieuse.

Oui, la science, vous le savez, a commencé à s'intéresser aux forces invisibles par la télégraphie sans fil, par la téléphonie sans fil, puis il lui a fallu reconnaître que la radioactivité n'était pas seulement la propriété de certains corps chimiques, mais que tous les corps vivants pouvaient émettre des effluves et des radiations.

Aujourd'hui même, le Pr Casamalli de Milan vient d'établir la réalité de ces effluves, de ces radiations des cerveaux humains qui peuvent faire vibrer à distance des appareils récepteurs. C'est ainsi que, peu à peu, la science s'avance dans une voie qui la conduira vers cet océan de force et de vie invisible qui nous enveloppe, nous domine, nous submerge en quelque sorte, qu'on a ignoré jusqu'ici, et qui renferme des richesses, des trésors incalculables.

Le jour est proche où la science sera obligée de reconnaître l'existence de ces grands courants d'onde, de ces faisceaux radiants qui peuvent transmettre la pensée d'un monde à l'autre, qui relient entre eux tous les êtres et tous les mondes et par lesquels les inspirations supérieures peuvent descendre d'un plan plus élevé jusqu'à nous. Le jour où la science constatera cela, elle sera obligée de reconnaître, par conséquent, la possibilité des communications spirites, la possibilité des communications entre cet immense monde invisible et le monde de la terre. Alors, toutes les intelligences et tous les cœurs pourront rayonner dans une même conviction, dans une même croyance basée sur une connaissance plus parfaite, plus complète, plus étendue de l'œuvre divine dans son admirable équilibre et dans son éternelle beauté. (Applaudissements.)

En terminant je rappellerai le souvenir de tous ceux qui, il y a quelques années, sur le front anglais, sur le front français, sont tombés en défendant notre sol, en combattant pour la Liberté du Monde et qui, de leur sang, ont scellé le pacte entre nos deux Nations, entre nos deux races, pacte d'alliance qui va, peu à peu, s'étendre à tous les peuples et provoquer ce grand mouvement spiritualiste dont j'ai parlé tout à l'heure. Ne devons-nous pas rappeler leur souvenir ? Ils sont là qui planent au-dessus de nous et inspirent nos travaux, stimulent notre marche ; beaucoup d'entre eux sont réincarnés, et d'autres se réincarneront pour poursuivre avec nous les combats de la pensée, dissiper les erreurs, les ombres du passé, et s'affirmer de plus en plus dans une glorieuse apothéose. Je rappelle leur souvenir, parce qu'il me semble entendre leurs voix unies à toutes celles dont j'ai parlé tout à l'heure, nous dire : Elevez votre pensée jusqu'à nous, afin que, dans une communion intime et profonde, nous assurions dans cette humanité le passage, le triomphé, la domination de l'idée sur la matière, le triomphe de l'âme sur le corps, et que nous fassions connaître à tous le véritable but de la vie, l'ascension vers cet avenir splendide qui nous attend tous et qui nous récompensera suivant nos mérites, suivant les efforts que nous aurons faits pour la cause du Bien, pour la cause de la Vérité ! (Applaudissements.)


Congrès Spirite International de Paris 1925

Discours prononcé par M. Léon DENIS, président du Congrès, à la séance d'ouverture du 10 septembre (recueilli par la sténographie).

Mesdames, Messieurs,

A l'appel de mes frères, je suis sorti de la retraite où je vis depuis dix ans dans la méditation et dans le commerce intellectuel avec les Invisibles. J'en suis sorti pour faire entendre aux congressistes des paroles de bienvenue, de concorde et d'encouragement ; pour leur offrir les fruits, les conseils de ma vieille expérience.

Ce fut une grande joie pour moi de pouvoir saluer, dimanche dernier, dans cette même salle, les délégués des nations, venus pour apporter le témoignage du développement mondial, je dirai même du triomphe, de notre cause.

Si je jette un regard en arrière sur la voie parcourue, je puis dire que j'ai suivi pas à pas la marche du spiritisme en France, depuis cinquante ans. J'ai participé aux luttes qu'il a dû soutenir pour se faire une place dans notre pays, c'est-à-dire dans un monde pétrifié par le dogmatisme ou le matérialisme.

J'ai éprouvé la résistance opiniâtre du bloc formé par les opinions hostiles et les intérêts combinés ; comme tous les propagandistes du Spiritisme, j'ai connu les alternatives de la conspiration, du silence et les assauts furieux de la calomnie et du dénigrement.

La tâche a été dure, à certaines heures ; mais, en dépit des obstacles de toutes sortes, le spiritisme a poursuivi son chemin ; il s'est répandu en tous milieux, et aujourd'hui j'ai la satisfaction de pouvoir saluer dans cette assemblée le couronnement de tant d'efforts, la consécration de tant de travaux et les premières lueurs d'une aube nouvelle.

Les conférenciers actuels ne peuvent guère comprendre l'accueil qui nous était fait dans le principe, mais je me plais à affirmer qu'aux heures difficiles l'appui de l'Au-delà ne nous a jamais fait défaut. Nous nous sentions aidés, soutenus par les forces radiantes et les intuitions des guides invisibles, et, jusque dans les contradictions les plus violentes, nous sentions passer sur nous des souffles puissants, des courants inspirateurs.

Pour mon compte, j'ai éprouvé cette action de l'Au-delà, surtout lorsque des fraudes retentissantes rendaient la situation plus délicate et plus troublée. Aussi, je crois devoir rendre un témoignage de gratitude envers les grands Esprits dont le secours ne nous a jamais manqué, envers ces grands Esprits qui, à l'heure présente, planent encore au-dessus de ce Congrès pour en inspirer les travaux et les diriger dans une voie droite, dans une voie sûre !

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*   *

Ici, une question se pose. Question que l'on m'a faite bien des fois, et encore depuis le début de ce Congrès. Qu'est-ce donc, en réalité, que le spiritisme ?

Le spiritisme est-il seulement une science ; est-il une doctrine ; est-il une religion ? Prenons, si vous le voulez, ce mot religion dans son sens large et élevé et non pas dans son sens cultuel.

Eh bien, je réponds nettement : le spiritisme est plus que cela, je m'explique :

Dans son évolution à travers les siècles, l'homme a cru devoir fixer des démarcations entre les différents domaines de la pensée ; il a dressé entre eux ce que j'appellerai des cloisons étanches, créé des compartiments. Dans l'un il a placé la science, dans un autre, la philosophie ; ailleurs sont les religions et tout cela se contredit, se combat et, de ces conflits, résulte un état de confusion, d'incertitude qui est la cause de la plupart des maux dont souffre l'humanité.

Or, le spiritisme, bien loin de se confiner dans ces moules vieillis, dans ces compartiments étroits où la pensée s'étiole et s'appauvrit, les déborde de toutes parts. Le spiritisme fait effort, non pas pour les détruire, non pas pour les briser, mais pour les agrandir, les élargir ; pour arracher l'esprit humain aux routines du passé et l'élever vers des étages supérieurs de la connaissance, vers une compréhension, une conception plus ample, plus large, plus complète de la vie universelle ; vers une synthèse en qui puissent s'unir et se fondre un jour toutes les formes de la pensée et de la science.

Le spiritisme n'est pas autre chose que l'étude de la vie dans sa réalité, dans sa plénitude ; la vie sous ses deux formes alternantes : visible et invisible. Il y a bien peu d'hommes encore, et même de savants, qui connaissent la vie invisible et qui en aient dégagé les lois. Et cependant, cette vie nous domine, nous enveloppe, nous enlace ; nous en sortons à la naissance et nous y replongeons à la mort. La vie invisible est sans limites dans le temps comme dans l'espace ; elle est préexistante et survivante à tout, tandis que la vie terrestre n'est qu'une forme passagère de l'existence, fugitive comme l'ombre d'un instant.

La vie invisible est le siège des forces, des puissances qui animent le Cosmos ; c'est le monde des causes, des forces et des lois ; sans la connaître, aucun homme, aucun savant ne pourra jamais résoudre l'énigme de l'univers.

Comment donc pourrait-on enfermer les manifestations de cette vie immense dans les moules étroits, dans les compartiments exigus que nous lègue la science du passé ? C'est pourquoi je ne me lasserai pas de crier à tous : Elargissez vos cadres et vos méthodes, si vous voulez entrer dans la voie large, dans l'étape nouvelle que le spiritisme ouvre à la pensée et à la science !

Il est évident que, devant les perspectives qui s'ouvrent, les formes du passé et les cadres de la science humaine deviennent insuffisants pour faire, à l'étude du monde invisible et aux preuves de la survivance, la place qui leur est due.

Il en est de même de la religion dont les données sur la vie future sont reconnues inexactes ou incomplètes d'après le témoignage universel des défunts.

Quant à la philosophie, malgré les beautés qu'elle nous offre, il faut reconnaître que ses systèmes nombreux et contradictoires font plus d'obscurité que de lumière sur le problème de la destinée. Dans ce domaine encore, le spiritisme nous fournit une synthèse plus conforme à la réalité des choses et à la véritable loi des renaissances.

Pour comprendre la résolution profonde que le spiritisme apporte dans le domaine des connaissances humaines, il faut s'élever au-dessus des phénomènes vulgaires et vivre dans l'intimité des grands Esprits ; il faut recueillir leurs enseignements comme l'ont fait Allan Kardec et tous ceux qui ont suivi ses conseils.

Plus haut que les faits d'ordre physique, il faut faire aux phénomènes intellectuels la part prépondérante qu'ils méritent, ainsi que l'a démontré avec autorité Sir W. Barrett dans son beau livre récent : Au seuil de l'Invisible.

Alors seulement on pourra mesurer toute la portée sociale du spiritisme et ses vastes conséquences, apprécier toute la grandeur et la beauté d'une révélation qui apporte consolation, espérance, force morale à la pauvre humanité en détresse.

Avez-vous remarqué la transformation qui s'opère lentement, silencieusement – je ne dirai pas dans la physionomie – je dirai plutôt dans l'âme de notre planète depuis près d'un siècle, c'est-à-dire depuis l'apparition du spiritisme ? Des forces nouvelles sont entrées en action, car le monde invisible est à l'œuvre, et des chocs, des conflits produits par la rencontre des courants nouveaux avec les forces résistantes du passé, résulte un état de trouble, de confusion qui ressemble parfois au chaos. Mais l'observateur attentif, au milieu de cette confusion, discerne l'action des puissances qui travaillent à la préparation d'un ordre nouveau.

Eh bien, à cette humanité qui se lève ardente, passionnée, avide de vivre et de grandir, il faut des formes nouvelles, il faut une croyance, un credo universel qui unisse toutes les pensées et tous les cœurs dans une aspiration commune vers le bien, vers la beauté suprême, vers Dieu ! Et ce sera l'œuvre de réalisation future dont le spiritisme est le propulseur.

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En terminant, je tiens à vous rappeler une chose capitale, c'est que, dans la marche de l'humanité, dans cette marche à l'étoile, c'est-à-dire vers la vérité, vers la lumière, vers ce but lointain qui s'appelle la perfection, vous êtes à l'avant-garde de cette longue caravane humaine et vous devez lui servir de guides.

Et cette situation privilégiée vous impose aussi de grands devoirs et de lourdes responsabilités : le devoir de maintenir, de défendre, d'affirmer à la face du monde les principes formulés par Allan Kardec et par les apôtres anglo-saxons, les principes du nouveau spiritualisme, qui, au milieu de la confusion et du désordre moral de notre temps, paraissent être un des derniers refuges de la pensée, une suprême espérance et peut-être même un moyen de salut pour la pauvre humanité encore enlisée, sur tant de points, dans la matière.

C'est pourquoi je vous engage à écarter de vos travaux, de vos débats, tout ce qui serait de nature à affaiblir, à amoindrir ces principes consacrés par tous les congrès antérieurs. Ces principes sont un précieux héritage, ils doivent sortir de vos études plus brillants, plus éclatants que jamais, afin de remplir dans le monde leur rôle rénovateur, régénérateur. (Applaudissements.)


Séance de clôture, le 12/09/1925.

Discours de M. Léon DENIS, président du Congrès

Frères et Sœurs en croyance, les congrès antérieurs ont été, vous le savez, comme les étapes de ce grand mouvement d'idées qui s'appelle le spiritisme. Tous ces congrès, particulièrement celui de Paris, en 1900, ceux de Liège et de Genève plus récents, ont pris pour base de leurs travaux et affirmé dans leurs conclusions les principes du spiritisme établis par Allan Kardec d'après les enseignements des Esprits recueillis sur tous les points du monde.

Au cours des débats et dans tous leurs travaux, les congressistes avaient eu soin d'écarter tout ce qui pouvait donner au spiritisme un caractère dogmatique, un caractère mystique ou sectaire ; laissant ainsi le spiritisme ouvert à tous les progrès, à tous les développements de l'avenir, et ceci en réponse à ceux qui prétendent que le spiritisme est une orthodoxie, alors que le spiritisme est une philosophie vivante et libre et qui évolue dans la voie des concepts de la pensée et de la science.

De ces travaux, de ces débats, il est sorti un puissant courant d'opinion, un courant qui a grandi, qui s'est accentué et qui est devenu une force régénératrice, un courant qui a pénétré partout comme vous pouvez le voir autour de vous, dans la littérature, dans les arts, même dans le journalisme, et qui a fini par s'imposer à l'attention de tous.

Et maintenant c'est ce Congrès de 1925 qui vient couronner magnifiquement toute cette série d'efforts, tous ces longs travaux, tous ces longs labeurs. Vous avez affirmé dans votre conscience, dans votre âme, dans votre pensée, les mêmes principes que nous défendons depuis un demi-siècle et qui ont été déjà consacrés par les congrès antérieurs. Il n'y a donc pas de reniement, il n'y a donc pas de scission, il y a une suite continue, l'harmonie d'une même pensée qui évolue, qui se poursuit à travers le temps. Mais vous apportez quelque chose de plus, vous apportez quelque chose de nouveau, c'est cette fédération, cette organisation déjà puissante, déjà forte, parce qu'elle s'étend jusqu'aux extrémités du globe et qu'elle réunit, qu'elle groupe, pour marcher en avant, toutes les forces de la pensée, de l'intelligence et du cœur. Et ce sera plus tard un levier capable de soulever le monde de la pensée et de la science.

Aussi, lorsque l'histoire enregistrera les débuts de ce grand mouvement d'idées, elle rendra hommage à vos travaux, à vos efforts et à vos intentions.

Vous pouvez donc être fiers de votre œuvre, de la part que vous y avez prise, et lorsque vous retournerez dans vos patries, dans vos demeures respectives, vous pourrez dire à tous que le spiritisme est bien vivant et qu'il est sorti plus fort et plus puissant que jamais des travaux de ce Congrès.

Aujourd'hui, la force du spiritisme et son rôle important apparaissent à tous les yeux. Tous comprennent qu'il apporte une solution à bien des problèmes et un remède à bien des maux. Vous avez vu, vous avez suivi les efforts des nations pour établir la pacification universelle. Vous savez qu'en Angleterre comme en France, de graves problèmes sociaux sont suspendus sur nos têtes. En France, par exemple, nous avons cette grave question de la réforme de l'enseignement, la création d'une éducation populaire qui arrache les générations qui montent aux suggestions de l'égoïsme, du matérialisme et de l'anarchie. Vous avez entre les mains les moyens de faciliter ces réformes et ces progrès.

Nous allons nous séparer, mais, auparavant, permettez-moi d'adresser un remerciement chaleureux, un remerciement cordial à tous nos collaborateurs dévoués et, en première ligne, à notre secrétaire général, qui a accompli une tâche écrasante, avec une facilité, une aisance, un entrain qui ont fait l'admiration de tous. Je remercie tous ces hommes dévoués et généreux ici présents qui ont apporté leur pierre à l'édifice que nous élevons à la pensée et à la science. Je remercie la presse qui a bien voulu donner un compte rendu presque toujours bienveillant de nos travaux et de nos efforts et en propager les échos à travers le monde.

Je ne voudrais oublier personne, et je vous remercie, vous tous qui avez bien voulu montrer une attention et une persévérance soutenues au cours de nos séances.

Permettez-moi, en dernier lieu, de vous rappeler une anecdote, un souvenir :

Au Congrès de 1900, que je présidais, les délégués espagnols, Aguarod et Estèva Marata, étaient venus à Paris dans un sentiment d'enthousiasme en se disant : « Nous allons trouver dans la patrie d'Allan Kardec une organisation digne du spiritisme et une installation en rapport avec la grandeur et la puissance de l'idée. » Après une visite au Père-Lachaise, ils cherchèrent le centre de réunion du spiritisme parisien. Mais les spirites parisiens étaient pauvres. Après bien des recherches, ils finirent par trouver dans la rue du Faubourg-Saint-Martin, au fond d'une cour, une construction en planches qui avait peut-être servi d'écurie, et qui était appropriée aux réunions spirites. Cette construction était fermée, car on ne s'en servait que le dimanche, et ce fut pour ces délégués une grande déception. J'eus même de la peine à relever, dans leur esprit, l'opinion qu'ils pouvaient avoir du spiritisme français. Mais, peu à peu, par des démonstrations fraternelles, et surtout par les vibrants discours qui furent prononcés à la fin du Congrès, je pus réveiller en eux cet enthousiasme qui paraissait éteint.

Aujourd'hui, ce n'est plus dans une construction en planches que vous avez été reçus, c'est dans un hôtel magnifique, admirablement approprié à tous les besoins de la cause, avec des services multiples. C'est là une œuvre complète et harmonique. Ce local que vous connaissez tous, rue Copernic, est complété par un Institut qui possède tous les perfectionnements nécessaires à l'expérimentation. Tout cela est dû à M. Jean Meyer, auquel je suis heureux d'exprimer la gratitude du Congrès tout entier pour les sacrifices énormes qu'il a faits en réussissant à donner à notre œuvre une figure digne d'elle, digne du respect et de la considération de tous. En butte, je tiens à rappeler la persévérance, la volonté tenace avec lesquelles, au milieu de difficultés sans nombre, M. Jean Meyer a su préparer ces grandes assises du spiritisme et en assurer le succès.

En dernier lieu, je remercierai surtout nos frères Anglais, Américains, et ceux de toutes les nations qui sont venus participer à nos travaux, et notamment Sir Arthur Conan Doyle qui a donné un si vigoureux élan à l'opinion spirite et fait retentir de sa parole vibrante et du résultat de ses projections toute la presse française. Il nous a prêté un concours que nous n'oublierons jamais, et chaque fois qu'il voudra revenir en France, ainsi que vous, mes Sœurs et Frères, vous y serez accueillis d'une façon absolument sincère et fraternelle. Je joins à ces paroles mes hommages à Lady Conan Doyle, qui a bien voulu accompagner l'illustre écrivain à travers le monde, car c'est dans le monde entier qu'il a semé les germes de la vérité et de la croyance.

Nous allons nous séparer, et peut-être ne nous reverrons-nous pas dans ce monde, mais nous nous reverrons certainement dans l'autre, et nous y travaillerons encore à servir la cause de la vérité, et à répandre, chaque fois que nous le pourrons, les rayons du soleil levant qui s'appelle le spiritisme !

En terminant, j'appelle sur vous les radiations d'en haut, j'appelle sur vous les courants de la force divine, afin qu'ils vous pénètrent, viennent féconder vos âmes et fassent persister en vous ce dévouement, ce courage, cette abnégation qui vous aideront à affronter les difficultés de la vie, et vous triompherez ainsi du scepticisme et du matérialisme en répandant par le monde la foi et la conviction qui sont dans vos cœurs. (Applaudissements.)

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*   *

Après les applaudissements qui saluèrent la fin du discours du vénéré président du Congrès, notre sympathique frère, M. Oaten, délégué de la Grande-Bretagne, secrétaire de The Two Worlds, exprime le plaisir des spirites d'Outre-Mer de voir M. Léon Denis, que beaucoup ne connaissaient que de nom. Il remercie M. Meyer et tous ceux qui, de près ou de loin, ont collaboré à cette grande œuvre du Congrès, et à la belle exposition, dont le mérite revient en grande partie à M. Pascal Forthuny.

Les divergences d'opinion, dit-il, qui semblent exister ou qui se présentent entre les frères français, anglais ou américains ne sont, en réalité, qu'apparentes ; elles résultent surtout des différences de mots, d'éducation, de l'influence qu'a exercé sur nous l'entourage dans lequel nous avons été élevé. M. Oaten voit précisément dans la réunion étroite de tous les spirites, dans ces assises mondiales, la seule occasion d'aplanir les difficultés et de faire naître ces commencements de fraternité humaine à laquelle nous demeurons attachés. Il nous donné rendez-vous au prochain Congrès international.

Le Dr Wallace, membré de la Société de Recherchés psychiques de Londres, s'associe aux paroles prononcées par M. Oaten, et adresse à son tour, et au nom de la London Spiritualist Alliance, ses remerciements aux organisateurs du Congrès.

M. le Révérend Grimshaw, qui représente la plus importante réunion des spirites du monde entier : la National Spiritualist Association de New-York et des Etats-Unis, nous dit son plaisir d'être parmi nous. Il salue la création de la Fédération Spirite internationale comme le moyen le plus effectif et le plus pratique de faire que cette fraternité devienne universelle et tout à fait réelle, non seulement dans les mots, mais dans les choses. Il affirme que s'il est besoin qu'un mot soit dit dans toute l'Amérique pour que celle-ci se rattache à la Fédération Spirite internationale, ce mot sera dit par lui depuis la Californie jusqu'à l'Etat de New-York.

Mme Cadwallader, éditeur de l'important quotidien The Progressive Thinker, se joint aux remerciements de nos frères anglais. Elle annonce au Congrès que les spiritualistes américains décident d'élever un monument affirmant la doctrine spirite, qui sera construit à la mémoire des faits de Hydesville où les premières manifestations furent observées. Ce monument, dont le principe a été adopté par tous, aura pour but de montrer toute la grandeur, toute l'action morale et sociale et tous les buts que poursuivent les mouvements spirites en général. Mme Cadwallader promet de traduire dans les journaux américains le grand effort qui s'est accompli vers l'union internationale. En rendant hommage à Allan Kardec, elle nous remercie de saluer ceux qui à Hydesville ont attiré l'attention de l'univers sur cette affirmation : « La mort n'existe pas ! »

M. Mack, qui représente l'important mouvement anglais en faveur de l'enfance, pense que l'attention que le Congrès a donné à cette grave question se traduira par des réalisations qui s'étendront suivant la mesure des moyens disponibles.

M. Rishi, le vaillant délégué des Indes, après s'être uni aux remerciements déjà exprimés, affirme que, dans l'Inde, des millions d'Indous admettent nos théories d'une manière tout à fait normale. Il forme le vœu que, quelque jour, le Congrès spirite se tienne aux Indes.

M. Allans donne le salut de la Californie où le Dr Schild a organisé l'enseignement du spiritisme, afin de faire comprendre aux hommes la fraternité qui les unit.

M. Beversluis, délégué de la Hollande, récite un délicat poème spirite que nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici faute de place.

Après ces allocutions, M. Léon Denis se lève encore et prononce les paroles suivantes :

Chers Frères et Sœurs,

Vous avez affirmé et vous avez rendu plus étroite la collaboration des deux mondes, visible et invisible. Vous avez rendu plus étroite l'intervention des Esprits dans l'évolution humaine, dans leur participation à nos travaux et à nos efforts, afin de rendre l'humanité plus sage, plus éclairée et plus heureuse. Que les puissances invisibles vous assistent, que les rayons célestes qui nous ont aidés vous protègent, afin que dans le reste de votre existence vous puissiez apporter encore votre concours à cette grande œuvre. Que votre pensée soit toujours unie à la leur pour le bien commun, le bien de l'humanité.